ORGANISATION APPRENANTE : l’ ActeuR au coeur de la demarche de gestion des riSques

Continuons nos investigations sur les outils « hors contrôle » qui pourraient permettre aux RM français de mettre en place le « risk management intelligent» préconisé par Power (2004, 2007, 2009, 2016).

Je les développe dans l’ouvrage coécrit avec Nicolas Dufour. https://www.la-librairie-rh.com/livre-entreprise/la-fonction-risk-manager-fris.html

Vous pouvez lire ou relire l’article du blog « Yves Rocher et les NeuroSciences » – Archives du blog Mai 2020 – ; l’article posté le 18 novembre relatif à L’ Organisation Apprenante, l’article posté le 24 novembre sur la nécessité elle aussi déjà proposé par Power d’émanciper les managers du déploiement d’informations sous la forme « d’outils formalisés, normés… » qu’il décrit comme une « addition de couches de pseudo confort donnant une illusion de confort. » (p.66 Aubry C., Dufour N., La Fonction Risk Manager)

Je vous propose aujourd’hui deux articles parus dans Harvard Business Review, écrits par deux chercheurs qui proposent de mettre l’acteur au cœur de la démarche : responsabilisation, confiance plutôt que contrôle, sanctions et méfiance de la DG.

Savoir augmenter la responsabilité sans susciter la méfiance

Il n’est jamais facile d’introduire un niveau accru de responsabilité dans une entreprise et bien trop souvent les personnes que vous souhaiteriez ainsi responsabiliser interprètent votre initiative comme une indication de votre manque de confiance en elles. C’est un problème que j’ai rencontré fréquemment après l’effondrement du bloc soviétique au sein des entreprises dans lesquelles le fonds de capital-investissement que je conseillais effectuait des placements.

Ceci me rappelle un exemple typique particulièrement frappant auquel j’ai été confronté avec l’équipe managériale d’un moulin de grande taille dont nous avions fait l’acquisition en Roumanie lors d’appels d’offres de privatisations. L’équipe s’était montrée méfiante dès le départ ; dans les anciens pays communistes les investisseurs occidentaux avaient la réputation de se débarrasser des managers en poste pour y installer les leurs.

Donc, bien que nous ayons laissé l’ancienne équipe managériale intacte, les responsables s’interrogeaient quant aux motifs sous-tendant tous les changements organisationnels que nous tentions de mettre en place. Ce fut cependant l’introduction du système des normes internationales d’audit employé par notre co-investisseur, le plus grand moulin grec, qui mis réellement le feu aux poudres.

Nous nous efforçâmes de convaincre le responsable du service comptabilité du moulin roumain que le marché boursier grec exigeait des entreprises membres qu’elles utilisent ce système, mais rien n’y fit. Il continua à soutenir que nous ne leur faisions pas confiance, à lui et à son équipe, et que ce système était juste notre manière de nous assurer que les gens du cru n’allaient pas nous escroquer.

L’ensemble de l’équipe managériale se sentait ainsi humiliée et blessée, ce qui commençait à avoir un sérieux impact sur le moral de tous. Quoi que nous fassions, il nous était tout simplement impossible de les convaincre que le système d’audit que nous souhaitions instaurer était identique à celui utilisé par le moulin grec et que cela n’avait donc rien à voir avec le fait que nous leur accordions notre confiance, ou non. Et comme m’avait alors dit un ami originaire du pays : « Plus tu essaieras de les convaincre avec des paroles, plus ils vont se méfier ».

Alors nous avons cessé les pourparlers et commencé à réfléchir et à agir. J’ai lancé le mouvement en partageant avec eux mon propre reporting mensuel concernant les performances du moulin, document destiné à l’équipe managériale du fonds de capital-investissement, en Grèce. Ils purent alors lire par eux-mêmes mon évaluation des perspectives et des problèmes ainsi que ce que je proposais pour avancer au mieux. Rien de ce qu’ils lurent n’était particulièrement surprenant mais ils étaient flattés que je partage un document aussi important avec eux. Plus important encore, cela leur donna le sentiment qu’on leur faisait confiance. Partant de cela, je me mis à leur demander conseil quant à la teneur du rapport, ce qu’ils interprétèrent, comme je l’espérais, comme un signe de respect de leur expérience.

Au bout de quatre mois, j’emmenai les trois plus hauts responsables du service comptabilité et finance au siège de notre partenaire, au Pirée, pour une visite d’une semaine. Sur place, ils purent constater par eux-mêmes que l’entreprise utilisait effectivement ce système pour ses propres moulins et que les auditeurs désignés par l’autorité grecque des marchés boursiers passaient en revue les résultats de tous les moulins. Nous avions en outre demandé aux managers du service financier du moulin grec de leur expliquer que la mise en œuvre d’un tel système comptable ne signifiait pas un manque de confiance à leur égard mais bien le contraire.

Cette visite permit non seulement à nos managers roumains de mieux comprendre la relation entre confiance et responsabilité, mais elle le convainquit également de notre sincérité. Ils apprécièrent l’accueil de leurs confrères grecs et la manière ouverte dont ils furent traités – sur un pied d’égalité. En outre, ils partirent emplis d’un nouveau respect pour le moulin de leur actionnaire principal, grand, moderne et bien géré, et commencèrent à se sentir fiers d’appartenir au même groupe. Ils étaient dorénavant convaincus que nous étions déterminés à maintenir l’équipe locale pour l’aider à devenir une partie intégrante d’un groupe plus conséquent.

Après notre retour, j’ai demandé à l’équipe locale de commencer à me soumettre des rapports similaires à ceux que j’établissais moi-même. Il leur fut un peu difficile, dans un premier temps, d’admettre ouvertement, à l’écrit, leurs omissions et leurs échecs ! Pour autant, ils se lancèrent et, avec le temps, commencèrent à reconnaître les avantages considérables qu’ils pouvaient tirer d’un tel suivi de leur propre productivité, à travers ces rapports. Ils apprirent en fait simplement qu’en se regardant dans le miroir afin de se voir tels qu’ils étaient réellement, ils comprendraient mieux ce dont ils avaient besoin afin de continuer à progresser.

Charalambos Vlachoutsicos

Les neurosciences de la confiance 

Les façons de manager qui encouragent l’engagement des salariés.

Les entreprises s’efforcent par tous les moyens de responsabiliser et de stimuler leurs employés. Elles sont angoissées par l’état déplorable de l’engagement et ce à juste titre, au vu de la valeur qu’elles perdent. En étudiant la méta-analyse de Gallup, basée sur des données accumulées pendant des décennies, on s’aperçoit qu’un engagement fort – c’est-à- dire avoir une bonne relation avec son travail et ses collègues, sentir que l’on apporte une véritable contribution et bénéficier de nombreuses opportunités d’apprentissage – mène constamment à des résultats positifs, à la fois pour les personnes et pour les organisations. Avec pour bénéfices une plus grande productivité, des produits de meilleure qualité et une rentabilité accrue.

Il est donc évident que cultiver un système axé sur les employés peut être bénéfique aux affaires. Mais comment faire cela efficacement ? Cette culture est généralement conçue autour d’opportunités comme des repas gastronomiques ou des soirées karaoké, souvent par soumission à une marotte de psychologue, de manière à répondre à des besoins spécifiques. Et malgré les preuves de l’impossibilité d’acheter une plus grande satisfaction liée à l’emploi, les entreprises passent tout de même des « menottes dorées » aux mains de leurs bons employés pour qu’ils restent. Alors que de tels efforts sont susceptibles de booster le bonheur sur le lieu de travail à court terme, ils ne parviennent pas à avoir un quelconque effet durable sur la performance ou sur la conservation des talents.

Dans mes recherches, j’ai découvert que c’est le développement d’une culture de la confiance qui fait la différence. Les employés des sociétés où le taux de confiance est élevé sont plus productifs, plus dynamiques au travail, collaborent mieux avec leurs collègues et restent plus longtemps avec leurs employeurs que les gens travaillant dans des sociétés dans lesquelles le niveau de confiance est bas. Ils souffrent moins de stress chronique et sont plus heureux dans leur vie. Ces facteurs alimentent une performance plus solide.

Les leaders comprennent les enjeux – du moins en principe. Dans son enquête mondiale réalisée auprès des P-DG en 2016, PwC a rendu compte du fait que 55% des P-DG pensent qu’un manque de confiance est une menace pour la croissance de leur entreprise. Mais la plupart font peu de choses pour accroître la confiance, principalement parce qu’ils ne savent pas vraiment par où commencer. Dans cet article, je fournis un cadre scientifique qui les aidera.

Il y a à peu près une décennie, dans un effort pour comprendre comment la culture organisationnelle affecte la performance, j’ai commencé à mesurer l’activité cérébrale des gens pendant qu’ils travaillaient. Les expériences en neurosciences que j’ai dirigées révèlent huit méthodes que les leaders peuvent mettre en place pour gérer efficacement une culture de la confiance. Je décrirai ces stratégies et expliquerai comment certaines organisations les utilisent à bon escient. Mais penchons-nous d’abord sur la recherche scientifique qui sous-tend le cadre général.

Ce qui se passe dans le cerveau

En 2001, j’ai trouvé une relation mathématique entre la confiance et la performance économique. Bien que mon article à propos de cette recherche décrivît les environnements sociaux, juridiques et économiques qui sont à l’origine des différences dans la confiance, je ne pouvais pas répondre à la question la plus élémentaire : pourquoi deux personnes se font-elles confiance de prime abord ? Des expériences menées dans le monde entier ont montré que les humains sont naturellement enclins à faire confiance aux autres – mais ne le font pas toujours. J’ai émis l’hypothèse qu’il devait y avoir un signal neurologique qui indiquait quand nous devions avoir confiance en quelqu’un. J’ai donc entamé un programme de recherche sur le long terme pour vérifier si cela était vrai.

Je savais que l’on avait mis en évidence chez les rongeurs une substance chimique appelée ocytocine qui leur signalait qu’ils pouvaient approcher un autre animal en toute sécurité. Je me suis demandé si c’était aussi le cas chez les humains. Personne n’avait fait de recherches à ce sujet, aussi ai-je décidé d’enquêter. Afin de mesurer objectivement la confiance et sa réciprocité (la fiabilité), mon équipe a utilisé une épreuve de décision stratégique développée par des chercheurs dans le laboratoire de Vernon Smith, lauréat du prix Nobel d’économie. Dans notre expérience, un participant choisit une somme d’argent à envoyer à un étranger via un ordinateur, sachant que le montant triplera et que le destinataire peut choisir de ne pas partager le butin. Là repose le conflit : le destinataire peut soit garder l’argent, soit se montrer fiable et le partager avec l’expéditeur.

Pour mesurer les niveaux d’ocytocine durant l’échange, mes collègues et moi avons mis au point un protocole pour faire une prise de sang aux participants avant et immédiatement après qu’ils aient pris la décision de se fier aux autres (s’ils étaient expéditeurs) ou de se montrer dignes de confiance (s’ils étaient destinataires). Parce que nous ne voulions pas influencer leur comportement, nous n’avons pas parlé du sujet de l’étude aux participants, même s’il n’y avait aucun moyen qu’ils puissent consciemment contrôler l’ocytocine qu’ils produisaient. Nous avons constaté que plus les gens recevaient d’argent (signifiant une plus grande confiance de la part des expéditeurs), plus leur cerveau produisait d’ocytocine. Et la quantité d’ocytocine que les destinataires produisaient prédisait à quel point ils seraient fiables – c’est-à-dire à quel point ils seraient enclins à partager l’argent.

Puisque le cerveau génère des messagers chimiques en permanence, il était possible que nous ayons simplement observé des changements aléatoires de taux d’ocytocine. Pour prouver que l’ocytocine était la cause de la confiance, nous en avons prudemment administré des doses synthétiques dans des cerveaux humains vivants (au moyen d’un spray nasal). En comparant les participants qui avaient reçu une vraie dose avec ceux qui avaient reçu un placebo, nous avons découvert que donner aux gens 24 UI d’ocytocine synthétique faisait plus que doubler la somme d’argent qu’ils envoyaient à un inconnu. En utilisant une variété de tests psychologiques, nous avons montré que ceux qui recevaient de l’ocytocine restaient cognitivement intacts. Nous avons également constaté qu’ils ne prenaient pas de risques excessifs dans des jeux d’argent (Iowa Gambling Task), donc l’augmentation de confiance n’était pas due à une désinhibition neurale. L’ocytocine ne paraissait faire qu’une seule chose – réduire la peur de se fier à un inconnu.

Paul J. Zak

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