Procès France Télécom : rappel des faits

Procès pour harcèlement chez France Télécom : l’heure de la décision

Après plusieurs mois de délibéré, les juges rendent aujourd’hui leur jugement dans l’affaire des suicides qui a atteint l’opérateur entre 2007 et 2010. Les enjeux sont tels que les juges savent déjà que, quelle que soit leur décision, celle-ci sera frappée d’appel.

Cécile Louis-Loyant ne se fait pas d’illusion. Quelle que soit la décision que la présidente et ses assesseurs rendront ce vendredi 20 décembre, elle sera immédiatement frappée d’appel « tant les enjeux sont grands ». Après plus de mois de délibéré, les juges devront dire si France Télécom et ses ex-dirigeants ont mis en place, entre 2007 et 2010, une politique managériale constitutive de harcèlement moral.

C’est une première. Car la décision devra certes réparer et dire le droit. Mais l’équation judiciaire est délicate dans cette affaire, où les faits reprochés portent sur l’ensemble du personnel de l’entreprise. Or, jusqu’alors, le principe en droit pénal voulait qu’un lien direct existe entre la victime et l’auteur du dommage. Ici, il est clair que, ni l’ex-PDG, Didier Lombard, ni les six autres hauts responsables prévenus n’ont « directement » harcelé moralement les victimes. Quid encore de la personne morale ?

Harcèlement managérial

« Le but de ce procès n’est pas de porter un jugement de valeur sur (les) personnes, mais c’est de démontrer que l’infraction pénale de harcèlement moral peut être constituée par une politique d’entreprise, par l’organisation du travail et (être) qualifiée de harcèlement managérial », avait précisé  le parquet dans ses réquisitions en demandant les peines maximales contre France Télécom et ses ex-dirigeants : 75.000 euros d’amende contre l’entreprise, un an de prison et 15.000 euros d’amende à l’encontre de Didier Lombard, l’ex-PDG, Louis-Pierre Wenès et Olivier Barberot, les anciens n° 2 et 3. Sans oublier 10.000 euros et huit mois de prison contre « leurs zélés complices », Jacques Moulin, Nathalie Boulanger et Brigitte Dumont. « Les peines encourues à l’époque sont si faibles qu’il faut demander le maximum » pour que la sanction ait un sens, avait expliqué la procureure.

Que décidera le tribunal, qui connaît le poids symbolique de son jugement ? Il devrait en tout état de cause fortement motiver sa décision car cette approche collective du harcèlement moral est inédite en droit. Peut-être essayera-t-il de condamner pour exprimer  l’écoute envers les victimes , tout en expliquant très précisément les conditions très particulières, afin d’éviter  une généralisation non maîtrisée de cette jurisprudence qui pourrait atteindre toutes les entreprises qui entreprennent un plan de réorganisation et de modernisation de leurs structures et de leurs personnels.

Rationalité confondante

Pendant l’audience, les ex-managers ont souvent opposé une rationalité confondante face à la souffrance de certaines victimes. Nicolas Guérin, secrétaire général d’Orange, qui représente France Télécom au procès, a reconnu qu’il était « indéniable qu’il y ait eu de la souffrance chez certains de nos collaborateurs. […] Mais nous contestons un harcèlement moral généralisé ». Il avait annoncé qu’Orange allait lancer  une « discussion » avec les organisations syndicales pour créer une commission d’indemnisation des victimes, « quelle que soit la décision » du tribunal.

Au coeur du procès, les plans Next et Act visant à transformer France Télécom en trois ans, avec notamment l’objectif de 22.000 départs et 10.000 mobilités. Pour les prévenus, il devait s’agir de départs « volontaires »« naturels ». En 2005, France Télécom était « en péril », l’entreprise, surendettée, subissait une concurrence « agressive », des évolutions technologiques « extrêmement rapides ». Trente-cinq personnes s’étaient suicidées.

Valérie de Senneville

 

 

 

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