LE RISQUE, VARIABLE STRATEGIQUE DE LA REFLEXION DES ENTREPRISES (4). DUE DILIGENCES : LE CAS DES INTERMEDIAIRES

Dernier ou avant-dernier partage avant Noël. Je vous souhaite à tous de bonnes fêtes. Et je joins le visuel « clin d’oeil » de l’an dernier pour profiter des vacances pour partager, lire toujours et encore…

Comment le risque est devenu une variable stratégique. Deux facteurs explicatifs sont l’élargissement du domaine du risque et son amplification depuis 2004 par le régulateur-législateur.

  1. Les due diligences sont un de ces nouveaux risques que je vous présente depuis plusieurs semaines. L’article que je vous propose cette semaine vous le présente en trois étapes de la démarche de gestion des risques : identification ; évaluation et cartographie ; mise en oeuvre de plans d’actions ; diffusion des résultats au sein de l’organisation pour que se développe une culture du risque. 
  2. Ce nouveau risque entre dans le champ de l’amplification sociale du risque.  Comme le suggère le concept d’amplification sociale du risque, les risques sont amplifiés et instrumentalisés par des institutions telles que le régulateur-législateur et les médias (Pidgeon et al, 2003). Le rôle du régulateur-législateur a commencé en France avec la Loi de Sécurité Financière. Sur fond de scandales et de crise, les interventions du régulateur-législateur  ont amèné les entreprises à renforcer les systèmes de contrôle interne et de gestion des risques : loi du 3 juillet 2008, ordonnance du 8 décembre 2008 ; rapport du 8 décembre 2009de l’AMF ; loi Sapin II du 9 décembre 2016

RAPPEL LOI SAPIN II

La loi Sapin II vise à prévenir les risques de blanchiment des capitaux, de financement du terrorisme et de la corruption – la corruption est le fait pour toute personne de solliciter une personne dépositaire de l’autorité publique, moyennant rémunération, un acte relevant de ses fonctions Elle propose six mesures pour cartographier le risque de corruption et le prévenir au niveau organisationnel et individuel. Cette loi n’oblige pas à une communication extérieure spécifique mais elle engage la responsabilité personnelle des dirigeants et celle de la société en tant que personne morale.

Nicolas Dufour et moi-même présentons davantage la loi Sapin II ainsi que les réglementations en vigueur et la soft-law (principe de précaution) dans notre ouvrage ; voir « La Fonction Risk Manager. Organisation. Méthodes et Positionnement », Ed Gereso, p.50. 

https://www.la-librairie-rh.com/livre-entreprise/la-fonction-risk-manager-fris.html

LIRE OU RELIRE

Vous pouvez également lire ou relire d’autres articles sur ce sujet sur le blog dans les rubriques corruption et/ou Loi Sapin II ou en recherchant par mots clés ou dans les archives mensuelles par date. .

Due diligences : le cas des intermédiaires

Obligation légale en vertu de la loi Sapin II, les due diligences apparaissent comme l’un des piliers principaux de tout programme de conformité robuste, que celui-ci soit dédié à l’anticorruption ou à d’autres enjeux ESG. Parmi les tiers à évaluer – clients, fournisseurs et intermédiaires – ces derniers demeurent les plus à risque. Comment les définir ? Comment les évaluer ? Quelles mesures de remédiation adopter pour continuer de nouer des relations contractuelles avec eux ? C’était l’objet de notre dernier atelier pratique !

L’intermédiaire, un (in)dispensable ?

Le recours à des intermédiaires pour faciliter, mener à leur terme ou sécuriser des relations commerciales est une pratique courante du commerce international et du marché à l’export. Cet usage, légal, s’avère néanmoins porteur de risques juridiques, financiers et réputationels conséquents eu égard aux réglementations anticorruptions. Un grand groupe européen du secteur de l’aéronautique en a récemment fait les frais en étant condamné au paiement d’une amende de plusieurs milliards d’euros pour des allégations de corruption via des réseaux d’« agents » – l’autre dénomination des intermédiaires.

Si l’emploi de ce type de tiers reste autorisé, de nombreuses entreprises souhaitent désormais le limiter au maximum. Certaines d’entre elles assument même de ne plus y avoir recours du tout, quitte à se fermer certains marchés.

Reste que pour certains marchés, le concours d’agents continue d’apparaitre comme indispensable pour de nombreuses équipes commerciales. « C’est un enjeu culturel » affirme l’un des experts qui s’est exprimé lors de notre dernier atelier pratique, « mais il est maintenant fondamental de remettre en cause ces pratiques et de s’interroger systématiquement sur l’opportunité réelle de recourir à ce type de tiers ». S’il convient alors de restreindre l’usage d’intermédiaires aux situations de nécessité, ce délaissement progressif doit néanmoins s’accompagner d’un « développement des capacités d’intelligence stratégique et économique au sein même des entreprises ou dans leur environnement proche » avance un autre participant.

Évaluer et remédier

Lorsque l’entreprise juge nécessaire de recourir à un intermédiaire, elle se trouve alors dans l’obligation de conduire une due diligence à son égard, c’est-à-dire une évaluation préalable de sa maturité vis-à-vis de la prévention de la corruption. Pour cela, encore faut-il que tout le monde s’accorde sur ce que recouvre la notion d’intermédiaire. Bien qu’elle puisse varier significativement en fonction des sociétés considérées, tous les experts interrogés s’accordent sur le fait que la qualité d’intermédiaire ne dépend pas des appellations que peuvent en donner les opérationnels : consultants, agents commerciaux, prestataires de services, voire traders, lobbyistes, avocats ?

Aussi pour faciliter le travail des équipes E&C, il peut être judicieux de recenser et de cartographier le type d’intermédiaires couramment utilisés dans l’entreprise, d’en dresser une typologie et de définir pour chacun d’entre eux les rôles et responsabilités à priori attendus. Cet exercice facilitera ensuite grandement le travail du compliance officer lors du suivi de la relation ou de prochaines relations contractuelles.

En fonction de la taille et de l’organisation des entreprises, le process de due diligence en tant que tel est soit centralisé, soit délégué aux compliance officers locaux. L’évaluation s’effectue grâce à des outils informatiques et des bases de données bien connues des professionnels du domaine, soit en externe grâce à des prestataires de service spécialisés. Les solutions disponibles – et par conséquent les due diligence réalisées – sont donc assez similaires entre les différentes entreprises.

En revanche, la façon de traiter les résultats délicats diffèrent. Selon la criticité du risque, les mesures de remédiation varient et vont de l’inscription de clauses anti-corruption spécifiques, à l’audit sur pièce voire sur site, jusqu’au refus pur et simple de nouer une relation contractuelle, même si cela peut signifier le retrait pur et simple d’un marché potentiel.

Une culture de la due diligence

Pour renforcer la robustesse du dispositif de due diligence, tout en favorisant une culture de compliance au sein de l’entreprise, de nombreuses directions E&C délèguent en partie le process de due diligence aux équipes locales et aux opérationnels en charge de la relation avec l’intermédiaire. Ainsi il peut être demandé aux équipes commerciales de réaliser une due diligence de premier niveau, superficielle mais suffisante pour écarter les intermédiaires les plus à risques.

Ce transfert de responsabilité partiel participe à la sensibilisation des opérateurs et à l’intégration des contraintes légales au plus près de l’activité. Cette acculturation doit en outre permettre une meilleure compréhension de la part de ces derniers des contraintes de temps et de budget attachées à la réalisation de due diligences robustes.

Pour ce faire, les équipes opérationnelles doivent être formés aux enjeux de l’anticorruption et à l’utilisation des outils informatiques de screening. A ces actions de sensibilisation, peuvent s’adjoindre, le cas échéant, des mesures de sanction (blâmes, avertissements, assortis généralement de sessions de formation dédiées) en cas de non-respect de l’obligation de due diligence précontractuelle.

Récemment, une juridiction est même aller jusqu’à considérer que le licenciement d’un directeur commercial qui ne s’inquiétait pas de la due diligence anti-corruption devant être réalisée avant la signature d’un contrat reposait bien sur une cause réelle et sérieuse[1]. Un argument massue qui devrait permettre aux compliance officers de rappeler à ceux qui l’oublieront, que les due diligences sont belles et bien devenues des prérequis indispensables à toute relation contractuelle avec un intermédiaire… A bon entendeur !

[1] https://www.doctrine.fr/d/CA/Angers/2021/C65C9311DC30A792F5983

Mai 2021

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