Archives pour la catégorie approche socio-cognitive: rex, apprentissage

Gestion des Riques et Outils de l’organisation Apprenante

Quelles en sont les grandes lignes et les outils pour que les RM français mettent en place le « risk management intelligent» préconisé par Power (2004, 2007, 2009, 2016) ?

Je les développe dans l’ouvrage coécrit avec Nicolas Dufour. https://www.la-librairie-rh.com/livre-entreprise/la-fonction-risk-manager-fris.html

Je vous propose dans les articles suivants des pistes de réflexion pouvant s’appliquer à la gestion des risques. Vous pouvez lire ou relire l’article du blog « Yves Rocher et les NeuroSciences ». Archives du blog Mai 2020.

Vous pouvez lire ou relire l’article posté le 18 novembre relatif à L’Organisation Apprenante.

Je vous propose aujourd’hui un article sur la nécessité elle aussi déjà proposée par Power d’émanciper les managers du déploiement d’informations sous la forme « d’outils formalisés, normés… » qu’il décrit comme une « addition de couches de pseudo confort donnant une illusion de confort. » (p.66 Aubry C., Dufour N., La Fonction Risk Manager)

Emancipons les managers de la machine à reporting !

Tout change – sauf la manière de manager ?

Le monde change…  L’entreprise change… Les expressions « innovation permanente», « agilité organisationnelle» ou « adaptation à un monde globalisé » sont partout présentes. Mais si on parle volontiers des transformations des structures, de l’environnement ou des technologies, les discours sont moins clairs pour ce qui concerne l’évolution du travail des managers. Pourtant, n’est-il pas en train de changer radicalement lui aussi et même plus radicalement que tout le reste ? Car on ne pourra gérer l’entreprise de demain avec des outils supposés innovants, en s’appuyant sur la même façon de définir le rôle et le fonctionnement du management. Selon l’expression des théoriciens de l’Ecole de Palo Alto, on ferait alors « plus de la même chose » : plus de leadership, plus de contrôle, plus de performance, plus de normes ou plus de système d’information… et on compliquerait la gestion sans vraiment la transformer. Comme le notait Paul Watzlawick, le problème serait justement accru par la solution (P. Watzlawick, J. Weakland et R. Fish, Changements : paradoxes et psychothérapie, le Seuil, 1981). Or le problème aujourd’hui, c’est l’immobilisme dans la façon de manager dans un monde qui bouge. Et la solution, c’est le nouveau management qui la trouvera.

Bouleversements dans la création de valeur

Une telle situation n’est pas nouvelle. Déjà, lors des grandes crises économiques précédentes dans les années 1930 ou 1970, c’est le travail des managers qui, en se transformant, a permis la mutation des entreprises. Dans l’entre-deux-guerres, on a assisté à l’émergence du fordisme grâce à l’apparition d’un management qui savait gérer la production de masse. A partir des années 1970, sont apparues des organisations globales permises par un management à partir d’outils de gestion normalisés et, notamment, par la montée en puissance des financiers. Avec la crise des années 2010, nous sommes entrés dans une nouvelle période de transformation des entreprises due à leur définanciarisation : le contrôle systématique et la régulation centralisée des structures matricielles à partir de normes financières sont devenus beaucoup trop coûteux et trop imprécis pour être soutenables. Les systèmes de gestion informatisés représentaient 25% de l’investissement productif français à la fin des années 2000,  ce qui signifie que le quart de l’investissement ne créait pas d’autre valeur que de… contrôler la création de valeur. Les organisations doivent inventer des outils adaptées à des formes organisationnelles plus légères, plus souples.

Le travail humain, quelle que soit la fonction exercée, doit être considéré, non plus comme une ressource parmi d’autres, mais comme la clé de la création de valeur à partir de laquelle se détermine l’investissement. Parallèlement, des technologies issues du web et, bientôt de l’impression 3D obligent à reconcevoir l’organisation des chaînes de valeur d’industries entières, notamment en faveur de productions décentralisées, en très petites séries mais à forte valeur ajoutée locale. Enfin, dans un monde à la fois globalisé et fractionné, on demande à l’entreprise d’être non plus un simple producteur de biens et services, mais aussi une institution qui assure davantage de fonctions sociales et politiques qu’elle seule peut désormais fournir à la société, comme, par exemple, des services de formation voire d’éducation, de gestion des ressources, de sécurisation de l’information ou de régulation de la vie sociale, familiale et personnelle. Continuer de gérer de manière anonyme ou globale par écrans et ratios de gestion interposés, c’est un peu comme regarder la vie à la télé… Le manager doit sortir de son bureau, aller sur le terrain et organiser les activités en proximité avec les équipes. Sans quoi il risque d’apparaître rapidement aussi obsolète qu’un Minitel. Ce nouveau management nécessitera évidemment de vaincre des routines, des résistances… et aussi des impatiences.

Des managers concernés

Car je constate que ces transformations sont aussi attendues par beaucoup de managers, et à tous les niveaux hiérarchiques. D’abord parce que leur travail s’est particulièrement dégradé ces dernières années, qu’il atteint parfois une sorte de limite dans l’absurde. François-Régis Puyo, aujourd’hui chercheur à Audencia, a montré dans sa thèse que plus du tiers du temps de travail d’un cadre consiste à remplir ou discuter des reportings. Or, seules 10% des informations transmises sont utilisées. La crise du sens frappe, sans doute plus que les autres salariés, les managers qui sont à la fois les acteurs et les victimes d’un vaste système de contrôle aussi coûteux que vain. Si on parle de « souffrance au travail », il ne faut pas négliger qu’elle concerne nombre de gestionnaires, y compris au plus haut niveau, qui ont l’impression de travailler dans une absence grandissante d’intérêt pour ce qu’ils font. Pas étonnant que l’on constate une aspiration à s’émanciper de la machine à reporting, pour retrouver la valeur du travail d’encadrement, le développement des compétences et l’encouragement des hommes qui est, pour beaucoup, au cœur de leur vocation de manager.

Ensuite, l’Histoire avance et les entreprises les plus performantes se transforment déjà. Elles remettent en question la lourdeur des matrices organisationnelles et des systèmes de contrôle devenus aveugles à la « vraie vie » des entreprises. Elles introduisent davantage de décentralisation, de souplesse hiérarchique, et de subsidiarité dans leur fonctionnement. PME dynamiques ou grandes entreprises globales, ces entreprises, prennent au sérieux la création de valeur à partir du travail réel de leurs salariés et parfois d’autres parties prenantes comme les clients. Elles innovent vraiment en définissant le management comme un service au plus près de ce travail. En régénérant leur modèle, elles deviennent redoutablement performantes.

par Pierre-Yves Gomez

Economiste, docteur en gestion, directeur de l’Institut français de gouvernement des entreprises à l’EM Lyon. Il a été professeur et chercheur invité à la London Business School. Spécialiste des questions de gouvernance, il  a été à l’origine du code gouvernance des entreprises françaises cotées et directeur de la Société française de management.


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Pour une approche globale technique et socio-cognitive de la demarche de gestion des risques. les outils de l’organisation Apprenante

Dans l’article de recherche sur lequel je travaille actuellement j’écris :

« Préférer une logique de soutien à la logique de contrôle qui prévaut à la mise en place de la gestion des risques transformerait la Fonction Risk Manager en instrument de légitimité cognitive. L’accès des RM au terrain serait facilité ; les obstacles associés à la logique de contrôle (manque de communication interne en direction des opérationnels, méfiance vis-à-vis des opérationnels, manque de motivation, de disponibilité et inertie des opérationnels, poids de la sanction venant de la direction) seraient allégés. Cette première dynamique passe par la mise en place d’une approche globale technique et socio-cognitive (Chautru, 2008 ; Aubry et Montalan, 2007). »

Cette idée m’est chère. Elle ressort des entretiens que j’ai pu mener avec des RM. Elle rejoint la mise en place du « risk management intelligent» préconisés par Power (2004, 2007, 2009, 2016) pour que le CRO passe d’un profil de contrôleur à celui de « champion du risque », trajectoire qui constitue un bon indicateur pour la FRM française[1]

Je les développe dans l’ouvrage coécrit avec Nicolas Dufour. https://www.la-librairie-rh.com/livre-entreprise/la-fonction-risk-manager-fris.html

Quelles en sont les grandes lignes et les outils ?

  • Orientation de la démarche vers les acteurs de l’entreprise et participation des opérationnels à l’analyse des risques (à l’élaboration des cartographies) via une implication active, l’adoption d’un mode de gestion top-down, le développement d’une communication et d’une information sur les risques.
  • Déploiement d’outils de gestion des connaissances, tels que l’apprentissage, l’analyse rétrospective d’accidents et d’erreurs, le retour d’expérience.
  • Traitement de la question de la sanction.
  • Un prochain travail de recherche proposera un cadre théorique d’analyse de cette approche technique et socio-cognitive et de ses outils, nous permettant d’interroger les RM sur les outils qu’ils ont mis en place ou pourraient mettre en place.

En attendant je vais vous proposer dans les semaines à venir quelques lectures en lien avec cette problématique.

  • Vous pouvez relire l’article du blog « Yves Rocher et les NeuroSciences ». Archives du blog Mai 2020
  • Vous pouvez lire ci-dessous un article relatif à L’Organisation Apprenante. Il propose des pistes de réflexion pouvant s’appliquer à la gestion des risques.

Comment devenir une organisation apprenante

Le 08/07/2020

C’est bénéfique pour le collaborateur et pour l’entreprise.

Dans un monde où le rythme des changements et l’obsolescence des compétences s’accélèrent, où la révolution technologique fait émerger des enjeux inédits de « upskilling-reskilling », où l’évolution des marchés – et des évènements comme la crise sanitaire – imposent une adaptation permanente, progresser en tant que « learning company » est plus que jamais un avantage distinctif. A partir de pratiques recueillies auprès de plus de 50 grands groupes et startups à forte croissance, ainsi que de travaux de recherche, voici un cadre de réflexion et d’action pour ancrer des dynamiques apprenantes dans sept moments clés de l’expérience collaborateur.

1- Intégration

C’est une étape décisive pour accroître la rétention des salariés, en impulsant un rythme d’apprentissage sur plusieurs mois (débutant même avant le premier jour). L’objectif est de :

– faciliter une appropriation de la vision et du métier : « welcome pack » apprenant (livres ou objets suscitant une réflexion en lien avec les valeurs de l’entreprise, par exemple) ou atelier pour s’entraîner à présenter en quelques mots son entreprise. C’est le cas dans la startup ContentSquare, où chaque salarié reçoit une certification liée à l’utilisation de la solution de l’entreprise, à l’issue de ses deux jours d’onboarding.

– susciter, dès le début, une culture du partage et du mentoring, grâce à un accompagnement par un ou plusieurs parrains/marraines, comme chez Buffer (spécialisé dans la publication et l’analyse des campagnes sur les réseaux sociaux), qui abordent avec les nouveaux venus des sujets tels que la culture d’entreprise, l’expertise métier et le management.

– inciter à réfléchir sur soi et son développement professionnel, en intégrant un test de personnalité, un « livret de développement » ou encore des questions réflexives sur sa capacité à apprendre, à partager et à grandir dans l’organisation, comme le fait dès l’entretien de recrutement l’organisme de formation Numa.

2- Les formations internes

Au-delà des programmes formels et des ressources digitales mises à disposition, il est important de créer les conditions pour autoriser, voire sanctuariser, des « espaces-temps » d’apprentissage. Pour cela, il faut instaurer des :

– rituels courts et périodiques, du type « breakfast/lunch & learn », y compris virtuels : des moments d’inspiration avec des intervenants internes ou externes qui partagent leurs « bonnes » pratiques, ou encore des « ateliers philosophiques » sur des thèmes comme l’intelligence collective, comme chez L’Oréal, à destination de la communauté RH ;

– « learning days », organisés dans différents pays et ouverts à tous, combinant des moments d’inspiration en lien avec la stratégie business ou RH, des formations souvent animées en interne, des échanges entre les participants, le tout autour d’une thématique spécifique – comme « we love learning » chez Natixis ;

– événements combinant apprentissage et intelligence collective, comme un hackathon biannuel où les collaborateurs sont invités à imaginer, en équipes pluridisciplinaires et internationales, des réponses à des problématiques business ou sociétales, comme le fait la licorne irlandaise Stripe, la nouvelle plateforme de paiements en ligne.

3- L’auto-apprentissage

L’enjeu est aussi de créer les conditions de responsabilisation des collaborateurs dans leur développement, en écho avec la notion de « maîtrise personnelle », proposée par Peter Senge (directeur du « Center for Organizational Learning », au MIT, et auteur du livre de référence sur l’organisation apprenante « The Fifth Discipline »), pour engager les salariés dans une dynamique permanente d’auto-apprentissage. Cela nécessite en particulier de :

– favoriser la connaissance de soi par des outils et des exercices d’introspection, et proposer des formations pour « apprendre à apprendre » ;

– diffuser régulièrement des offres de formation qui soient personnalisées, en fonction du profil et des intérêts de chacun, en utilisant comme le fait Google des « people analytics » ;

– offrir des « journées de développement », sous forme de « menu » (participation à des conférences ou à des salons, mécénat de compétences), ou encore des « cool days », comme le propose une fois par mois à ses collaborateurs la startup Comet.

– multiplier les approches d’accompagnement individuel : « coaching bar » le vendredi matin, « speed-coaching » avec des coachs externes disponibles par visioconférence, ou encore mise à disposition de coachs internes, comme chez le nouvel assureur santé Alan.

4- L’apprentissage social

L’apprentissage est social par nature : chacun peut être apprenant et formateur auprès de pairs, et cette forme d’apprentissage contribue, deux fois plus que la formation traditionnelle en salle, à l’acquisition de nouvelles compétences et expertises. Comment l’encourager encore davantage ? Il faut pour cela :

– déployer des dispositifs de formation de « peer to peer » et de mentoring à grande échelle pour accélérer le partage de compétences métiers et/ou comportementales entre pairs, comme le fait Air France sur sa communauté de managers ; ou mettre en place des réseaux d’échanges métiers permettant de trouver rapidement la solution à un problème rencontré, comme chez Generali ;

– mettre en place des groupes de co-développement, en présentiel ou à distance, internalisés mais aussi inter-entreprises sur des thématiques ou populations ciblées du type business developers ou responsables marketing, comme le fait la startup iAdvize.

– susciter le partage post formation, comme le propose le « Gandalf Scholarship » de DBSBank, grâce auquel tout collaborateur peut recevoir 1000 dollars pour une formation professionnelle de son choix, à condition de partager ses enseignements à minimum dix personnes.

5- Les modes de travail

Selon une étude récente de France Stratégie (« Les organisations du travail apprenantes : enjeux et défis pour la France », avril 2020), les organisations du travail qui sont réellement apprenantes, notamment en milieu industriel, se caractérisent par trois critères : l’autonomie des collaborateurs, la polyvalence et la résolution de problèmes en équipes. Les départements formation peuvent équiper les managers et leurs équipes pour favoriser de telles pratiques, en mettant en place notamment :

– des rituels d’apprentissages en équipe : temps d’inclusion au début des réunions (comme la « météo personnelle », particulièrement utile en situation de crise), valorisation des efforts (« qu’est-ce qui vous a rendu fiers ce mois-ci ? »), points réguliers sur le fonctionnement d’équipe (présence, place aux questions et émotions,…), sans oublier les « retours d’experience » pour apprendre des succès et des échecs, comme le rituel « Fail, learn, succeed » de Blablacar ;

– des modes de travail propices à l’intelligence collective et à l’innovation, des outils de collaboration, des environnements propices tels que les « creativity rooms », dédiées à l’innovation, ou les murs en « velleda » pour les brainstormings et le management visuel, comme le fait Qonto, la néobanque des entreprises et des indépendants.

6- Le rôle du management

Le rôle du manager d’équipe est clé en matière d’apprentissage individuel et collectif. A condition que ce rôle soit clair, et soutenu par des formations et des outils pour :

– accompagner le développement des collaborateurs : se mettre dans la posture de « manager coach », développée notamment chez Criteo, et intégrer des « boucles d’apprentissage » dans les points réguliers avec les équipes en utilisant, par exemple, la règle du « 5/0/5 » (de Charles Jennings, co-fondateur du « 70 :20 :10 Institute ») : prendre cinq minutes avant une formation d’un collaborateur pour échanger sur son besoin, zéro minute pendant sa formation, et à nouveau cinq minutes après pour décider de la mise en oeuvre des apprentissages reçus ;

– aider à se projeter sur le moyen terme : « conversations de développement », comme chez Danone, pour amener chaque collaborateur à révéler ses talents – avec un guide introspectif -, réfléchir à son projet professionnel et bâtir un plan de développement ;

– instaurer des « moments d’apprentissage » réguliers : au sein d’une équipe (tous les trimestres, par exemple, chez Leroy Merlin), afin d’apprendre ensemble sur une nouvelle thématique ou de réaliser un partage d’expérience ; ou plus largement, des rituels d’entreprise, comme « DEAL – Drop Everything And Learn » chez le spécialiste de la formation en ligne Udemy.

 7- La mobilité interne et externe

L’évolution de carrière et l’expérience opérationnelle sont parmi les plus importantes sources d’apprentissage. Comment multiplier les occasions ? Grâce notamment à :

– des programmes d’immersion en externe (startups, associations…) ou en interne, comme « l’Open Talent Market » mis en place par Schneider Electric, qui vise à créer des liens entre les souhaits de développement des collaborateurs et les opportunités de vivre une nouvelle expérience, au sein de l’entreprise : missions à temps partiel ou à temps complet, contribution à un projet, rôle de formateur ;

– des entretiens approfondis lors des départs, afin de clôturer positivement la collaboration et améliorer, grâce aux feedbacks, l’expérience collaborateur – et ainsi la marque employeur – comme chez ManoMano, le leader du bricolage en ligne, où tous les départs sont célébrés ;

– l’animation d’un réseau d’anciens, permettant aux alumni de continuer à se développer en s’appuyant sur cette communauté, et à l’entreprise de bénéficier d’un réseau d’ambassadeurs, voire de formateurs expérimentés, à l’image de McKinsey qui fédère un réseau de 34 000 alumni à travers le monde.

Si la question « pourquoi devenir une organisation apprenante ? » est du ressort de chaque entreprise, celle du « comment » fait appel à plusieurs dimensions, qui sont, elles récurrentes : la vision (source de motivation intrinsèque pour les individus et les équipes), la culture (pour instaurer un « growth mindset »), les politiques de formation bien sûr, et enfin l’organisation et le management, une dimension bien souvent trop peu exploitée et pourtant clé dans les dynamiques d’apprentissage.

Par Thierry BonettoMorgan Baivier de Fortis


[1] La fonction est ancienne et les acteurs sont déjà structurés ; créée par General Electric en 1993, elle est présente dans la majorité des grandes entreprises (dans tous les secteurs) ; elle est promue par trois associations professionnelles (International Federation of Risk and Insurance Management Association (IFRIMA), Public Risk Management Association (PRIMA), Risk and Insurance Management Society (RIMS)) qui assurent sa diffusion en déployant leurs actions dans trente pays, proposant des formations qualifiantes et assurant des certifications de compétences identifiées et reconnues par les entreprises. Elle fait l’objet d’une littérature abondante.

Cloture du CYBERMOIS : L’apprentissage par le jeu comme outil de sensibilisation des equipes à la Cybersecurité

La mise en place par certains Risk Managers d’outils hors contrôle tels que le retours d’expérience, les réunions, la responsabilité des opérationnels, l’appropriation des outils permettraient aux Risk Managers d’avoir l’appui des opérationnels et d’acquérir une légitimité cognitive (celle qui consiste à s’ancrer dans l’inconscient collectif pour être compris par les parties prenantes, devenir incontournable ; elle est le « graal » de la légitimité.) Nous évoquons ces outils dans nos travaux (Aubry et Montalan, 2007) et dans l’ouvrage La Fonction Risk Manager. Organisation, méthodes et positionnement (2019, p.96).

https://www.la-librairie-rh.com/livre-entreprise/la-fonction-risk-manager-fris.html

L’apprentissage par le jeu fait notamment son apparition pour sensibiliser les équipes à l’enjeu de la cybersécurité.

Je vous propose ci-dessous pour clôturer le Cybermois :

  1. Un jeu proposé par l’ANSII pour vous tester
  2. Un article sur l’apprentissage de la cybersécurité par les serious games

Pour clôturer le Cybermois, l’ANSSI propose cet apprentissage par le jeu.

ILLUSTRATION

C’est à vous de jouer !
Pour la dernière semaine du #Cybermois, Léa, alias Dark Sissi, cherche de nouvelles victimes sur #Internet … Qui va-t-elle cibler aujourd’hui ? #cybersécurité #rançongiciel
Et vous, que feriez-vous ?
➡️ https://lnkd.in/dDh_eNr

Et vous, que feriez-vous ?

cybermois.fr • Lecture de 1 min

Pour clôture le Cybermois, je vous propose de découvrir l’univers des serious games :

Sensibilisation à la cybersécurité : les serious game tirent leur épingle du jeu

Vous souhaitez familiariser vos collaborateurs aux enjeux de cybersécurité de votre entreprise ? En les sensibilisant par le jeu plutôt que par des sessions de formation classiques, il devient possible de susciter leur intérêt et d’améliorer leur apprentissage. Bonnes pratiques.

Pour sensibiliser leurs équipes à ces épineuses questions, les entreprises recourent traditionnellement à des sessions de formation. Le décor : une salle de réunion peuplée de collaborateurs plus ou moins attentifs. Sur scène : un formateur faisant défiler les slides d’une présentation avec le rythme d’un métronome. Ce format comporte de nombreuses limites, notamment celle de devoir assimiler un très grand volume d’informations en un temps restreint. La session présentielle étant peu interactive, les participants se sentent moins impliqués, ce qui influe sur la quantité d’informations retenues

e-Learning, la panacée ?

Avec la démocratisation du e-learning dans les années 2000, les entreprises ont pu affiner leur stratégie de formation, avec la possibilité d’inclure des cas pratiques concrets, et proposer ces modules à un grand nombre de salariés, permettant à chacun de se former au moment qui l’arrange. Cependant, l’e-learning à lui seul reste insuffisant. Rapidement lassés par un format redondant, les apprenants finissent par faire défiler les modules de manière automatique, sans assimiler les contenus. Tout miser sur l’e-learning serait donc une erreur.

Pour impliquer les collaborateurs, les méthodes d’apprentissage les plus ludiques tirent aujourd’hui leur épingle du jeu. Celles-ci permettent de mémoriser des informations sans s’en rendre compte. Il est ainsi conseillé de miser sur une approche plus informelle, en imaginant des campagnes de sensibilisation marquantes, fondées sur le jeu, renforçant la cohésion d’équipe.

Pour marquer les esprits, le mieux est de simuler par le jeu les conséquences d’une attaque informatique. Il peut s’agir par exemple de démonstrations de piratage d’outils bureautiques, via de fausses campagnes de phishing ou des prises de contrôle de PC à distance. Pour un public évoluant au sein d’environnements industriels, le piratage de maquettes SCADA est aussi très visuel et montre très bien l’impact d’une cyberattaque sur une chaîne de production.

Questions pour un cyber-champion

Parce que le sel du jeu, c’est la compétition, organiser un challenge entre les collaborateurs au cours d’une session de formation permet de dynamiser l’apprentissage et de faciliter l’appropriation des messages-clés. Plusieurs formats peuvent inspirer les entreprises. Ainsi, le code de la cybersécurité reproduit les sessions du code de la route, en mettant à disposition des participants une télécommande pour répondre à une question parmi quatre propositions. Ces séances sont l’occasion d’aborder les bonnes pratiques du quotidien comme le verrouillage des sessions, la politique de mots de passe ou les bons réflexes en cas d’impression d’un document.

Les collaborateurs peuvent également s’affronter autour de Questions pour un cyber-champion : 200 questions traitent des bases de la cybersécurité, des simples bonnes pratiques pour protéger ses données personnelles, en passant par des thèmes plus difficiles abordant les protocoles sécurisés, les attaques informatiques, ou les équipements de sécurité, etc.

Jeu de cartes, escape game : les vertus de l’apprentissage en équipe

L’apprentissage collaboratif compte parmi les solutions les plus efficaces. La discussion permet en effet de reformuler les notions, facilitant ainsi leur appropriation. Ce travail d’équipe va également participer au renforcement des liens entre les salariés. Orange Cyberdefense a par exemple conçu un jeu de cartes pour découvrir les menaces liées à la navigation sur Internet. Chaque joueur doit déjouer les attaques informatiques de ses adversaires en mettant en œuvre les bonnes pratiques de sécurité.

Pour aller plus loin, un escape game au cours duquel les participants se mettent dans la peau d’un espion offre une expérience encore plus réaliste. Par équipe de cinq, ils doivent voler une formule secrète en moins d’une heure, en tirant parti des mauvaises pratiques de sécurité (mots de passe, mauvaise manipulation de documents, etc.).

Ces vecteurs de sensibilisation ludiques et innovants viennent ainsi compléter les approches plus traditionnelles utilisées en entreprise. Ce type de démarche suscite un intérêt particulier auprès des équipes qui enrichissent leur culture en cybersécurité et adoptent des comportements plus vertueux.

Notes : *Intermedia, 2017, Data Vulnerability Report

Risque perçu versus Risque objectif. De l’importance des biais cognitifs

Merci à Emmanuelle Hervé de mettre l’accent sur la subjectivité du risque. Le risque perçu (trop souvient oublié au profit du risque objectif) dépend en effet de la position de l’agent dans son exposition au risque et/ou sa psychologie. La question de la subjectivité montre le rôle des biais cognitifs et des représentations dans l’appréhension des dangers par les acteurs économiques. Elle intervient notamment dans la relation entreprise/acteurs de la société civile ; dans la perception par l’entreprise des risques qu’elle encoure. Cette prise en compte est compliquée mais indispensable pour le Risk Manager. C’est une voie que nous explorons avec N.Dufour dans notre ouvrage « La Fonction Risk Manager. organisation, Méthodes et Positionnement ». Celui-ci est Disposible ici : https://www.la-librairie-rh.com/livre-entreprise/la-fonction-risk-manager-fris.html

Voir également les travaux d’Olivier Sibony, professeur à l’HEC, spécialiste en résolution de problèmes, en prise de décision et expert en stratégie, dans une conférence virtuelle intitulée : comprendre les biais cognitifs en pleine crise du coronavirus. Celle-ci est disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=wDD4h-_TgQs.

COVID-19 : COMMENT LES BIAIS COGNITIFS ONT PERTURBÉ LA GESTION DE LA CRISE

Emmanuelle Hervé

 « Les biais cognitifs, parfois aussi appelés “illusions cognitives”, sont un ensemble d’erreurs de raisonnement qui diffèrent du simple oubli ou de l’erreur de calcul. Les biais cognitifs sont observables lorsque, dans une certaine situation, un sujet commet une erreur de raisonnement en recourant à une heuristique plutôt qu’à une loi logique et forme ainsi une croyance injustifiée, voire fausse ».

Source : https://encyclo-philo.fr/a-propos-le-vrai/

Pourquoi prenons-nous des mauvaises décisions ? Pourquoi des personnes compétentes, pleines de bonnes intentions entreprennent des actions qui nous semblent bonnes mais qui se révéleront désastreuses pour l’avenir d’une entreprise par exemple ? Pourquoi nous sous-estimons ou au contraire surestimons une crise ?

Ce sont les travers des biais cognitifs. Ces erreurs, déclinées en plusieurs catégories, sont particulièrement notables en temps de crise. 

Nous sommes tous de potentielles victimes de nos biais cognitifs. Nous avons tendance à sous-estimer les risques qui ont certes une probabilité d’occurrence relativement faible, mais qui ont pourtant un impact, humain, financier, ou encore réputationnel très important. On pourrait citer ici les accidents nucléaires, les crashs d’avions, etc. Nous nous y préparons donc, et à tort, trop peu. C’est ce que Thaleb conceptualise autour du « cygne noir ».

Aujourd’hui, nous retrouvons sur toutes les plateformes que nous scrutons, des extraits vidéo, où des scientifiques, des spécialistes, des politiques, minimisaient le risque d’une épidémie dans notre pays. En effet, il y a trois mois, une épidémie semblait impensable sur notre sol.

« On sait que ce virus est peu mortel »

Christophe Prudhomme, porte-parole des médecins urgentistes.

Comment pouvons-nous expliquer ces prises de parole, où la peur et le déni, semblaient déformer notre perception de la dangerosité du virus. Regardons de plus près les différents biais décrits par Olivier Sibony, dont nous avons tous été victimes pendant cette crise :

  • Le modèle mental :

Nous avons tous vu, si ce n’est ressenti, cet irrépressible besoin de comparer ce virus à un modèle que nous connaissions, ou qui s’en rapprochait. Instinctivement, en France, nous nous sommes rappelés de la grippe A/H1N1 en 2009, rapidement maitrisée. À l’époque, nous avions agi vite et fort, avec les campagnes de vaccinations et les réserves de masques. Nous nous sommes souvenus qu’il ne fallait pas surréagir, la population, les médecins et les spécialistes, ont ce même souvenir. En Chine, le souvenir était celui du SRAS, d’où une réaction beaucoup plus forte et appropriée.

  • Le biais de croissance exponentielle :

Comment appréhender une croissance exponentielle ? Nous voyons une courbe de cas, de décès ; on sait qu’elle va augmenter, mais on la sous-estime.

Dans cette crise, la courbe des décès est exponentielle dès le début. Prenons un exemple simple, au début de la crise, le Pr. Jérôme Salomon annonce dans ses points quotidiens un doublement du nombre de cas tous les trois jours. On sous-réagit à l’exponentielle, car au début, on parle de chiffres de 3 ; 5 ; 8 individus… On s’éloigne encore de la prise de conscience en se persuadant que la situation, au vu de ces premiers chiffres, n’est après tout pas si grave.

  • L’endo-groupe, apprendre de l’expérience des autres ?

Nous avons tous un jour pensé et cru que « cela n’arrivait qu’aux autres », « ça ne peut pas arriver chez nous ». Nous sommes convaincus que notre endo-groupe est différent de l’exo-groupe.

Les Italiens par exemple, ont jugé irréaliste le comportement de leur voisin français lorsque le premier tour des municipales a été maintenu. Chaque pays ne peut pourtant pas gérer cette crise de la même façon, et nous trouvons des explications pour nous éloigner encore de la prise de conscience de la gravité de la situation. Selon Bolsonaro, les Brésiliens sont plus solides que les autres ; pour les Américains, il est bien entendu impossible d’attraper un virus chinois, probablement d’ailleurs une nouvelle machination orchestrée par les démocrates…

Toutefois, il est fondamental de se garder d’émettre des jugements hâtifs. Nous sommes tous concernés, de manière universelle, bien qu’il existe des différences sur certaines questions selon les cultures et les genres, elles n’influent que très peu sur les biais.

  • Le biais d’excès de confiance

Nous avons tendance à faire confiance aux estimations et à les suivre, surtout en temps de crise. Pourtant, nous les surestimons ou nous les sous estimons… L’exemple étasunien est ici notable. Lorsque de grands scientifiques ont été amenés à devoir donner une estimation du nombre de cas dans les 12 jours, ils ont répondu collectivement qu’il s’élèverait à environ 19 000.

Seulement, 12 jours plus tard, le chiffre s’élevait à 120 000 cas. Les meilleurs experts dont le pays disposait se sont donc tous trompés. De plus, il faut noter que ces professionnels ont vu d’autres épidémies, et des réactions qui ont pu s’avérer disproportionnées. Ils ont ainsi une responsabilité de prévenir mais aussi de ne pas semer de panique devant tant d’incertitudes.

  • Le biais social ou le biais d’imitation

Des parcs bondés, des plages occupées, des réunions entre amis, ces gens qui font comme si tout allait bien, ne peuvent tout de même pas se tromper ? Si ? La situation ne doit pas être aussi grave en fin de compte… Le 15 mars, le confinement que nous vivons actuellement nous semblait impensable. Aujourd’hui, c’est la norme, nous l’acceptons et nous nous y conformons (du moins la plupart d’entre nous s’y conforment et heureusement), d’ailleurs nous assistons même aujourd’hui à des dénonciations de ceux qui ne semblent pas le respecter. Ce modelage des habitudes montre que nous faisons comme les autres, nous sommes influencés et nous imitons le comportement des uns et des autres.

Mais sachant tout cela, comment fait-on pour éviter les biais qui altèrent notre jugement ?

Les biais cognitifs sont des erreurs dont nous n’avons par principe pas conscience sur le moment. Ce sont des réalités qu’on ne peut pas éviter tout seul.

C’est une leçon d’humilité, nous ne sommes pas à l’abri d’en être victime. Cette fatalité est amplifiée par les médias, que nous consommons particulièrement régulièrement pendant cette période. Ils ont un rôle non négligeable dans ces biais. Ils nous poussent à nous retrancher dans le « système 1 », une pensée rapide, permanente, qui ne nous aide certainement pas à prendre du recul. M. Sibony nous rappelle d’ailleurs que 80 % du temps d’antenne des médias sont centrés sur le Covid-19, mais à nous de nous gendarmer sur cette activité.

On prend conscience aujourd’hui qu’il aurait fallu agir dès les premiers cas de décès déclarés.

À cause du mécanisme des biais, la prise de conscience se fait malheureusement par palier, nous avons donc tous un temps de retard. Aujourd’hui on ne comprend pas pourquoi les municipales en France ont été maintenues, on conçoit qu’il s’agissait, même avec des précautions, d’un facteur supplémentaire de propagation de l’épidémie.

Pourtant, avant le confinement, les réactions sur une possible annulation des élections étaient vives… On a pu entendre notamment la comparaison d’une annulation avec un « coup d’État ». Ce sont pourtant ces mêmes personnes qui aujourd’hui sont révoltées et qui jugent l’action gouvernementale tardive. C’est un véritable paradoxe, mais l’acceptabilité, se fait par palier.

Après avoir sous-réagit, on sur-réagit, tout s’emballe ! Il est difficile dans une situation de crise de revenir à un raisonnement patient et rationnel.

Nous allons également devoir penser à l’après, ce qui nous semble difficile car le bilan s’alourdit. De nombreuses personnes vont mourir, et sont en train de mourir, cela se passe maintenant, c’est tangible. Au-delà de La Peste de Camus il faut aussi anticiper Les Raisins de la colère de Steinbeck, même si cela peut sembler indécent. Car la crise économique qui se profile représentera également de nombreuses cassures et causera de multiples blessures dans la société. Le désespoir est déjà très important, on peut le voir aux États-Unis par exemple, où une partie de la population préfère prendre le risque d’un déconfinement immédiat, plutôt que de subir par la suite une violente crise économique, qui engendrera indubitablement une autre crise sanitaire. Finalement, cette crise est plus abstraite, moins tangible, moins urgente, mais on doit y réfléchir.

Malgré la pression médiatique il ne faut pas avoir le sentiment de choisir entre une crise sanitaire ou une crise économique, mais devoir réfléchir aux impacts sur le bien-être global des choix que nous devrons faire à la sortie de cette crise. En d’autres termes, « il faut prendre de la distance pour sauver des vies après. »

Sortir de la crise

Pour sortir de cette crise, nous allons devoir faire des choix, mais aucun ne permet de garantir une sécurité totale. Aucun schéma ne nous garantira de mettre tout le monde à l’abri.

En fait, M. Sibony décrit quatre niveaux d’incertitudes dans lesquels nous nous retrouvons :

  1. Combien de gens sont infectés, combien l’ont été ? etc.
  2. À quelle vitesse le virus se transmet, comment exactement ? Dans quelle mesure il sera saisonnier ? L’immunité est-elle définitive ?
  3. Combien de temps va durer le confinement, quel impact sur la paix et sur le tissu social aurait-il ?
  4. Est-ce que les gouvernements ont fait assez ? Notre consommation va-t-elle changer après ?

Personne ne sait aujourd’hui comment nous sortirons de cette crise, et quelle image aura la société après celle-ci. On peut formuler de multiples scénarios tant le niveau d’incertitude est grand. Pourquoi ne pourrait-on pas envisager une récession comme en 1929 ? Il faut ici repenser à Socrate après tout « Tout ce que je sais c’est que je sais que je ne sais rien ».

Pour la sortie du confinement, les mêmes interrogations se posent, et encore une fois plusieurs scénarios sont envisageables. Il y aura probablement des confinements successifs, mais dans ce cas-là ils pourront être difficiles à faire respecter ? Un déconfinement par catégories, qui pose des problèmes éthiques ? Un déconfinement progressif à commencer par les personnes qui sont supposément immunisées après avoir été guéries du virus ?

Chaque système a ses failles, la seule solution reste un remède, un vaccin. Il est ici temps de revenir sur un autre biais, dont nous serons forcément victimes à la fin de cette crise.

  • Le biais rétrospectif

Il n’y a rien de plus facile que de regarder le présent à la lumière du passé, on reprochera de toute manière au gouvernement la gestion de cette crise. Quel que soit le bilan. S’il y a 30 000 morts, nous conclurons que nous avons surréagi. Si le bilan s’élève à 300 000, nous conclurons que ce qui a été mis en place n’aura servi à rien, et qu’on peut qualifier de criminel, ce qui a été mis en place.

Dans l’après, nous aurons du mal à imaginer l’incertitude dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Et nous serons alors, forcément victimes du biais rétrospectif.

C’est ce que nous enseigne Olivier Sibony, professeur à l’HEC, spécialiste en résolution de problèmes, en prise de décision et expert en stratégie, dans une conférence virtuelle intitulée : comprendre les biais cognitifs en pleine crise du coronavirus. Celle-ci est disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=wDD4h-_TgQs.

Nous vous avons proposé un résumé de cette excellente et très instructive intervention. De celle-ci, nous avons dégagé cinq leçons pour tenter de mieux appréhender ces biais, de les connaître, et savoir qu’ils peuvent nous induire en erreur.

  1. Connaître et savoir identifier les biais dont on peut être victime est une bonne chose. Mais le mieux, c’est aussi de regarder les faits plutôt que les raisonnements par analogie. Il faut se munir d’une humilité devant les faits, s’entourer d’une diversité de points de vue.
  2. Paniquer ne vous aidera pas. En France, nous suivons les ordres du pouvoir central. Dans d’autres pays, les universités par exemple ont fermé avant que ce soit obligatoire (c’est le cas des États-Unis), on a pu observer également des initiatives prises par des populations, confinées avant que les mesures gouvernementales de les y obligent (c’est le cas de l’Ukraine).
  3. Personne ne sait rien, tout le monde fait des probabilités. Accepter l’incertitude est fondamental.
  4. Se préparer, apprendre à anticiper est indispensable.
  5. Accepter que le risque zéro n’existe pas ; les biais ont beau être connus, ils ne sont parfois pas pris en compte, parfois oubliés. Nous restons humains, faillibles, c’est pour ça que les meilleurs épidémiologistes peuvent se tromper.

Emmanuelle Hervé. Juin 2020

 

 

 

Initiative intéressante du groupe Y. Rocher : avoir recours aux neurosciences pour gérer les risques.

La mise en place d’outils hors contrôle tels que le e-learning, le retour d’expérience, les formations, la responsabilité des opérationnels, l’appropriation des outils permettent en effet d’avoir l’appui des opérationnels et d’acquérir une légitimité cognitive (celle qui consiste à s’ancrer dans l’inconscient collectif pour être compris par les parties prenantes, devenir incontournable) ; elle est le « graal » de la légitimité. Nous évoquons cette approche technique et socio-cognitive dans nos travaux (Aubry et Montalan, 2007) et dans l’ouvrage La Fonction Risk Manager. Organisation, méthodes et positionnement (2019, p.96). https://www.la-librairie-rh.com/livre-entreprise/la-fonction-risk-manager-fris.html

Gestes barrières : le groupe Yves Rocher forme ses salariés grâce aux neurosciences

Pour s’assurer du respect des gestes barrières dans l’entreprise, le groupe Rocher (Yves Rocher, Petit Bateau, Stanhome…) a fait appel aux services d’un spécialiste de « l’ancrage mémoriel« , la société Woonoz.

Par Sylvaine Salliou. Publié le 12/05/2020

Depuis ce lundi 11 mai, les 2.000 salariés bretons du groupe Rocher sont à nouveau accueillis progressivement sur les sites de production, dans le Morbihan et au siège à Rennes. « On compte quelques dizaines de salariés sur chaque site de production, car le recours au télétravail reste massif« , selon Régis Rougevin-Bâville, directeur qualité du groupe Rocher.

Formation accélérée aux gestes barrières

Depuis le 7 mai, ils sont formés aux gestes barrières, grâce à une formation accélérée en e-learning, mise en place en partenariat avec la société Woonoz. L’objectif pour le groupe breton est de s’assurer du respect des gestes barrières au retour dans l’entreprise.

La formation, basée sur le protocole national de déconfinement et co-construite avec les médecins du travail du groupe Rocher, passe en revue plus de cent situations, dont l’hygiène des mains, les distanciations physiques, le port du masque ou encore le nettoyage du matériel se trouvant dans des zones partagées. Ce sont surtout des « situations imagées » avec des photos prises sur les différents lieux de travail du groupe Rocher, selon Régis Rougevin-Bâville.

Une formation basée sur l’ancrage mémoriel

Pour Fabrice Cohen, cofondateur de Woonoz, 80 % des informations délivrées au cours d’une formation sont oubliées dans les sept jours. Or, selon lui, sa société atteint des taux de mémorisation de 93 %, car elle s’appuie sur les dernières connaissances en neurosciences et sur la méthodologie d’ancrage mémoriel, comme le Projet Voltaire, utilisé par six millions de personnes pour se remettre à niveau en orthographe, selon Siegried de Préville, manager des opérations du groupe Rocher. L’ancrage mémoriel consiste à prendre en compte que chacun mémorise d’une façon qui lui est propre.

Il explique que certaines règles et certaines situations mises en image dans la formation, sont connues ou évidentes, mais « l’objectif est de les faire passer à l’état de réflexe« .

Une formation adaptée à chaque apprenant

Le parcours alterne entre tests et révisions où il faut chercher et corriger l’erreur. Il commence par un diagnostic initial des connaissances et se poursuit par deux ou trois sessions de 15 minutes d’ancrage mémoriel. A la fin du parcours de formation, l’apprenant est évalué et il reçoit une attestation qui indique qu’il maîtrise le parcours.
Régis Rougevin-Bâville explique que le moteur d’intelligence artificielle s’adapte aux réponses de l’apprenant : il revient sur les situations non acquises et repère les configurations où sa mémoration est meilleure.

Cette formation sera étendue à l’ensemble des salariés du groupe Rocher en France, c’est-à-dire 6 500 personnes. Selon nos interlocuteurs, ce module peut également servir à d’autres secteurs économiques : « cette formation est transposable à beaucoup de secteurs« . Plusieurs entreprises auraient déjà demandé à tester la formation.

 

Dans le même esprit que le retour d’expérience…la mise en place de pratiques communes, de coordination des actions, de partage de la connaissance.

« Les actions de gestion des risques doivent en effet faire l’objet d’une analyse, d’un suivi et d’un apprentissage.

Les résultats font ensuite l’objet d’une communication à la hiérarchie. La Direction Générale est informée de la qualité de la maîtrise des risques dans l’entreprise. Les enjeux de cette dernière étape sont la transparence vis-à-vis du management et des actionnaires – le climat de confiance – et la diffusion d’une culture du risque dans l’entreprise avec l’introduction d’une boucle d’apprentissage collectif.

L’analyse des résultats peut enfin donner lieu à la mise en place de retours d’expérience (mises à jour régulières du site de l’entreprise au fur et à mesure de la réalisation des plans d’actions, d’échanges d’informations entre le terrain et les équipes de management via les bases de données ou encore de diffusion des meilleurs pratiques accessibles à tous).

Ces outils donnent à la démarche de gestion des risques son caractère opérationnel.

Leur mise en place confère également à la gestion des risques une approche globale qui la rapproche de l’Enterprise-wide-Risk-Management (ERM), modèle anglo-saxon d’une gestion des risques présentée comme globale et intégrée, dans lequel le rôle des responsables opérationnels devient essentiel.

Une gestion des risques qui met en place ce type d’outils relève de l’Enterprise-wide-Risk-Management (ERM), modèle anglo-saxon d’une gestion des risques présentée comme globale et intégrée, dans lequel le rôle des responsables opérationnels devient essentiel. Elle est globale au sens de Louisot (2010)[1]. Elle est « intégrée, car la gestion des risques doit effectivement l’être à tous les niveaux de décisions et dans tous les process (Louisot J.P., « ERM à l’épreuve de la crise », Risk management n°1, avril 2010.)

Elle est par essence transversale puisqu’elle est là pour servir les projets, les différentes entités et les processus opérationnels et managériaux de l’entreprise et qu’elle se positionne en accompagnement du processus de décision. Elle suppose l’implication du personnel opérationnel indispensable à une bonne identification des risques. La démarche de gestion des risques se doit d’intervenir en amont de la survenance des évènements, les anticiper et non pas seulement valider les expériences survenues. En cela elle n’est pas seulement une activité de contrôle : on ne cherche pas seulement la qualité de chacune des opérations mais la bonne articulation des activités entre elles. »

[1] Modèle anglo-saxon d’une gestion des risques présentée comme globale et intégrée, dans lequel le rôle des responsables opérationnels devient essentiel. La notion de globalité introduit tous les éléments d’incertitude liés au futur de l’organisation, ce que Louisot (2010) englobe sous l’expression « toutes causes, toutes conséquences, toutes opportunités et menaces.»

Christine Grassi. 

La mise en place par les Risk Managers d’outils hors contrôle. L’exemple du Retour d’Expérience.

La mise en place par certains Risk Managers d’outils hors contrôle tels que le retours d’expérience, les réunions, la responsabilité des opérationnels, l’appropriation des outils permettraient aux Risk Managers d’avoir l’appui des opérationnels et d’acquérir une légitimité cognitive (celle qui consiste à s’ancrer dans l’inconscient collectif pour être compris par les parties prenantes, devenir incontournable ; elle est le « graal » de la légitimité.

Nous évoquons ces outils dans nos travaux (Aubry et Montalan, 2007) et dans l’ouvrage La Fonction Risk Manager. Organisation, méthodes et positionnement (2019, p.96).

Je vous propose de découvrir le Retour d’Expérience à travers l’article ci-dessous écrit par mon co-auteur Nicolas Dufour.

La construction d’une mémoire du risque en entreprise est un long apprentissage s’inscrivant dans la constitution (progressive) d’une culture du risque dans l’organisation. Au-delà d’une communication régulière, les actions suivantes peuvent être préconisées :

– dans le cadre des processus de cartographie des risques, réaliser une pré-identification des risques : reprendre les incidents marquants dans la revue des risques, en allant au-delà de l’exercice passé et s’assurer que ces risques restent sous contrôle ou que d’autres situations similaires ne seraient pas susceptibles d’arriver ;

– intégrer les « sachants » au processus de revue des risques, ayant la connaissance historique de l’organisation, même s’ils ont changé d’activité entre le moment de la survenance de certains incidents et celui de la revue des risques (le plus souvent annuelle) ;

– mieux exploiter les effets d’expérience issus des bases incidents, notamment les analyses de causes, même si celles-ci ne sont pas systématiquement documentées ;

– à la manière des méthodes formalisées en EHS (courbe de Bradley formalisant dans le temps la progression enregistrée en termes de réduction des accidents de travail en tenant compte de différentes étapes dans la constitution d’une culture du risque et de la responsabilisation des acteurs), construire des courbes d’apprentissage sur différents risques opérationnels : capacité à réduire les erreurs humaines, à détecter les fraudes…

Implication des collaborateurs dans la démarche de gestion des risques. L’exemple du Cyber risque.

L’identification du risque et la mise en place de plans d’actions sont des étapes « classiques » de la démarche de gestion des risques. Orienter la démarche vers les opérationnels, les prendre en compte et les sensibiliser au risque est moins fréquent. Cela favorise pourtant une culture d’apprentissage et une pro-activité indispensables à la mise en place d’une démarche globale de gestion des risques. Pour une description de la démarche de gestion des risques en cinq étapes, voir Aubry, 2013.

Yann Girard propose de faire des collaborateurs la première ligne de défense de l’entreprise contre la cybercriminalité en les sensibilisant et en les impliquant dans la mise en oeuvre de la démarche.

Cybercriminalité : les collaborateurs, première ligne de défense de l’entreprise

Publié le 16 octobre 2018

Yann Girard

Chief Information Security Officer / Retail BanksFrance

 

Le nombre d’entreprises victimes de fraudes cybercriminelles ne cesse d’augmenter, elles sont des cibles privilégiées quelle que soit leur taille. Ainsi près de 80 % des entreprises ont constaté au moins une cyber-attaque en 2017, 77 % sont des petites et moyennes entreprises. Les conséquences, nous le savons, peuvent s’avérer parfois désastreuses.

Si le vecteur d’attaque est d’origine technologique et parfois extrêmement sophistiqué, la participation involontaire des victimes est la plupart du temps nécessaire au succès des opérations frauduleuses. Les cybercriminels s’appuient sur notre méconnaissance des outils, nos biais cognitifs et notre manque de vigilance pour arriver à leurs fins.

 Avant d’être technologique, la réponse à ce problème passe donc avant tout par la sensibilisation de chacun des collaborateurs de l’entreprise.

 Les 4 scénarios d’attaques suivants, fréquemment observés par les équipes de spécialistes antifraude Société Générale, peuvent ainsi être facilement évités si nous développons les bons réflexes :

–       La fraude au président : demande urgente et confidentielle d’un prétendu responsable hiérarchique ou d’une autorité pour effectuer un virement inhabituel en dérogeant exceptionnellement aux procédures internes. Dans un tel cas, une vérification auprès de sa hiérarchie s’impose.

–       Le fournisseur transmettant de nouvelles coordonnées bancaires pour régler sa prochaine facture. La demande est là aussi loin d’être neutre et nécessite un contre-appel à votre fournisseur pour vérifier s’il en est bien l’émetteur, et une vigilance sur la nouvelle domiciliation bancaire.

–       L’appel d’un faux support informatique, pour prendre le contrôle de votre PC à distance afin de réaliser des tests. Objectif : installer un logiciel qui permettra à l’attaquant de commettre des fraudes, voler vos données ou les détruire. Il est donc essentiel de s’assurer de l’identité de l’interlocuteur, et de la légitimité de l’opération.

–       Le troyen bancaire, reçu dans un mail de phishing souvent anxiogène ou promotionnel, qui vous incite à cliquer sur des liens ou des pièces jointes. Encore une fois, le risque est qu’un logiciel malveillant s’infiltre dans votre système d’information. Les mails sont le premier vecteur d’attaques, méfiance donc vis-à-vis des pièces jointes et des liens cliquables.

Ces scénarios d’attaques par ingénierie sociale sont très classiques mais fonctionnent encore malheureusement trop souvent : ils sont détectables et doivent éveiller notre vigilance. D’autant que les impacts peuvent être lourds, entre conséquences financières (jusqu’au redressement ou la liquidation judiciaire), et conséquences sociales et humaines (licenciements…).

D’où l’importance de sensibiliser les collaborateurs avant tout : ils doivent être conscients des menaces potentielles pour anticiper les scénarios d’attaques et protéger l’entreprise.

Identifiez ce qui est vital pour votre business, les collaborateurs les plus susceptibles d’être ciblés (trésoriers, équipes comptables…), et accompagnez- les en conséquence à travers des formations, des simulations, une charte de bonnes pratiques cybersécurité…

Société Générale organise par exemple chaque année ses Cybersecurity Hours, programme de conférences, ateliers pédagogiques et actions de sensibilisation à la Sécurité de l’Information. Elles ont lieu en octobre, pendant le mois européen de la Cybersécurité. Votre banque, dans son rôle de tiers de confiance, reste d’ailleurs un interlocuteur privilégié pour bénéficier de conseils et de recommandations sur ces sujets.

Nous ne pourrons jamais empêcher les fraudeurs d’essayer mais chacun d’entre nous peut leur compliquer la tâche voire déjouer leurs tentatives par des réflexes simples à acquérir et à entretenir. Déployer des solutions de sécurité en entreprise pour se protéger est nécessaire mais cela reste un investissement vain si les collaborateurs ne sont pas sensibilisés.

Notion de risque. Quand risque rime avec opportunité et innovation

Risque et danger sont souvent associés. La notion de risque est ancienne, ancrée dans la société et associée à une connotation de peur, de danger. Méric et al (2009) rappellent que les conséquences néfastes de l’occurrence du risque sont le postulat implicite du risque. Laperche (2003) établit un lien entre le risque, expression du danger et la nécessité de le récompenser ou de le réduire. Pourtant le risque doit également être vu comme une opportunité.  

Les risques logistiques poussent Saica à innover

Le 11/09/2018

Le leader de la fabrication de papier recyclé pour carton ondulé, qui vient de racheter le français Emin Leydier, développe des solutions innovantes pour faire face à l’allongement de la chaîne logistique. Et à la multiplication des risques.

La vie d’un colis n’a jamais été aussi risquée. Au cours de son transport, il peut effectuer une dizaine de chutes, de 30 cm à 2 mètres, à chacun de ses aiguillages dans les centres de tri. Autant dire plusieurs dizaines entre le magasin et le destinataire final. Et ce sans compter les risques d’écrasement, d’ouverture, voire de vol… Pour protéger ces envois, le groupe espagnol Saica développe des solutions innovantes. « L’e-commerce a rendu obsolètes les logiques d’emballage, de palettisation notamment, les clients ne connaissant pas le poids supporté par leur produit au cours du trajet, ni la position qu’il aura, ni l’impact des autres emballages dans le camion », explique Franck Reberat, responsable développement produit de l’entreprise.

Autre contrainte : les emballages destinés à l’e-commerce doivent, à défaut d’être inviolables, rendre difficile l’accès au produit et inclure des témoins d’ouverture. « Le consommateur est de plus en plus sensible à l’état de livraison de son colis », commente le responsable.

Table de vibration

Le groupe a travaillé avec l’université de Saragosse pour identifier les risques d’une chaîne logistique. Ce programme d’essais basé sur l’utilisation d’une table de vibration et d’outils de simulation de chutes, a débouché sur la création de Saica E-Wine. Une caisse spécialement conçue pour le transport du vin, l’un des produits les plus fragiles et pourtant les plus achetés sur Internet. Autre exemple : un emballage pour les fleurs, poussant le bouquet vers l’extérieur lors de l’ouverture. « L’objectif est dans ce cas de permettre au consommateur de ressentir l’émotion attendue avec ce type de produit », complète Franck Reberat. Le groupe propose via le site Internet du journal « L’Usine nouvelle », 80 références d’emballages destinées aux TPE et PME.

Saica est le leader de la fabrication de papier recyclé pour carton ondulé en Europe. Avec le  rachat du français Emin Leydier en mars, il a porté sa capacité de production à plus de 3 millions de tonnes. Aujourd’hui, le secteur de l’e-commerce représente entre 5 et 10 % de l’activité du groupe, notamment au Royaume-Uni, où il vend la moitié de la production d’une usine exclusivement à Amazon.

Guillaume Roussange